Eventualites
correspondant parisien] LES evenements significatifs dont I'Europe est le theatre, depuis le coup de force allemand du 7 mars, ne peuvent que donner ample sujet de reflexions au peuple franeais. Si, dans l'ensemble, ses reactions ont etc d'un calme impression- nant, iI n'en est pas moires tres ouvert a Ia menace que eonstitue
pour l'avenir le defi hitlerien. L'opinion, chez nous, ne se fait guere d'illusions. Elle sait que, pour nos voisins d'outre- Rhin, la parole donnee ne compte strictement pas, que Ia foi juree dure ce que dure son utilite, que le fait aequis est la regle,
que le respect de la loi collective y provoque un rire ironique de mepris et que, pour tout dire, rien n'ayant change depuis Bismark et Betlunann-Hollweg, Ia force y prime toujours le
droit. La France demeure done essentiellement sceptique quand, dechirant d'un coup de sabre le traite de Locarno, M. Hitler lui fait la faveur de daigner lui en proposer un autre.
L'admirable condescendance, en verite, que voila ! Et quelle confiance pourrions-nous avoir en des gens qui, pertinemment, se refusent aux obligations de In morale internationale et ne repondent que par le mot, si commode, d' " incomprehension " lorsqu 'on les invite a faire honneur a leurs engagements ? Quand on mesure a quip degre de paradoxe nous en sonames, de concessions en concessions, aujourd'hui parvenus, moires de vingt ans apres la grande guerre ; quand on songe, par con- traste, a in maniere " comprehensive " dont rAllemagne n'eilt pas manqué, elle, de nous traiter si elle avait vaincu, on ne pent s'empecher de mediter amerement sur rironie tragique de la destinee. Nos populations de l'Est, payees pour connaitre le procedes d'en face, ont, en tout cas, profondement
ressenti, dans le vif m erne de leurs souvenirs et de leur intuition, le geste de "rapprochement" de M. Hitler. Elles n'ignorent
point que, scion les doctrines officielles de l'enseignement militaire nazi, une attaque allemande serait foudroyante et se produirait sans declaration de guerre " (Ex-trait du tours du professeur Banse, cite par M. le General Niessel). L'aviation detruirait toutes les agglomerations—eiviles incluses—a l'aide de "bombes toxiques et de cultures microbiennes ."
La pensee n'en est point reconfortante, et l'on peut se demander si Ia fameuse ligne Maginot, notre bouelier oriental, serait, dans ces conditions, de quelque seeours. Les Allemands, pour leur part, en font peu de cas, si l'on se reporte a ce que disait recemment M. Goering : C'est en vain que les Francais depensent leur argent en fortifications ; nous sauterons par dessus."
Ce dedain n'empeche pas nos regions de l'Est de se feliciter de l'existence de la ligne Maginot. En un temps oft les
discours, mime genereux, et les accords, mime conciliants, apparaissent quasi impuissants a faire devier d'un ponce lc programme arrete par le chancelier du Reich, notre barriere
constituc un element solide et fort, sur lequel—les guerres ne se gagnant point finalement dans les airs, maisaterre—rinfanterie allemande se briserait des son depart. Organe avant tout defensif, coneu comme tel, entretenu comme tel, la ligne revet actuellement une valeur symbolique de la mentalite franesise. Elle est caracteristique du calme, de la fennete, de la vigueur de notre pays, lequel ne provoque personne, mais qui, non plus, n'a peur de personne—y cornpris ceux, qu' avec ses allies, it a déjà battus.
La confiance, toutefois, n'exclut point la prudence, et c'est pourquoi la France, en ces jours qu'elle sent graVes, prend eventuellement ses precautions. Consciente du peril Hero- chimique sous lequel essaieraicnt, avant toute chose, de nous aneantir les scientifiques de Berlin, la vile de Paris se preoccupe d'organiser des abris efficaces sur les principaux points de la capitale. La soudaine decision prise, ran dernier, par l'Allemagne de retablir le service militaire obligatoire, avait incite, voici six mois, In Prefecture de Police a entre- prendre d'urgence des travaux d'amenagement dans notre reseau souterrain. La Compagnie du Metropolitain, chargee des transformations utiles, vient d'achever Ia realisation de deux abris prototypes : run installe a la station " Maison4 Blanche," l'autre a. la " Place des Fetes." L'examen en ayant donne toute satisfaction, le Conseil Municipal a etc saisi d'un projet de construction de 50 nouveaux abris, qui permettront, le cas echeant, de soustraire la population parisienne aux extravagances d'une politique que M. Hitler qualifiait lui-mime si justement, dans tin recent discours,
de " politique de somnambule." R. L. V.