2 AUGUST 1935, Page 15

Pasteur

ED'un correspondant francais] Au debut du mois de juillet, a en lieu, dans le. grand amphi- theatre de l'Institid Pasteur, a Paris, une ceremonie imposante par sa simplicite comme par le souvenir saisissant qu'elle evoque. Sous la presidence des ministres de l'Education nationale et de la Santo publique, a etc commemore he einquan- tenaire d'un evenement appele an plus profond retentisse- ment: la premiere inoculation a rhomme, par l'illustre chinaiste Louis Pasteur, du vaccin antirabique, fruit de longues annees d'etudes et de patientes investigations.

Issu d'une famille d'ouvriers, Pasteur avait, des sa tendre jeunesse, donne he plus bel exemple de denouement it la science et de perseverance dans l'effort. Parvenu, par son travail personnel, h carer eomme maitre d'etudes dans un lyeee, it etait, tmis ans apres, admis it l'Ecole Normale Superieure, d'oii it sortait professeur de chimie. Des lors, commencerent ses laborieuses • et geniales recherches, ses importantes decouvertes concernant la fermentation de In bike, du yin et du vinaigre. Sur les instances du gouvernement, it etudia une epidetnie qui frappait alors les vers iti soie, trouva la cause de lit maladie et en indiqua he remede. Enfin, it aborda ret des maladies contagieuses, etude qui immortalise son nom.

C'est de 6 juillet 1885 que Pasteur pratiquait pour la premiere fois, la delicate operation qui devait avoir des repercussions mondiales. Jusqu'it cc jour, it ri avail applique sa inethode qu'aux animaux. L'eminent professeur, dont la conscience egalait la modestie, apprehended d'experimenter son traitement sur urn' etre human]. En depit de la conflance que lui inspiraient ses travaux de laboratoire, sa strete de vue et la certitude du suCces, it &rived, it la veille de cette tentative, it rempereur Maximilien, que passionnait ce probleme, dont l'humanite entiere devait tirer profit : " Te n'ai rien ose tenter jusqu'ici chez l'homme. . . . Il me semble que ma main tremblera quand it &mire passer it respece humaine." Ce fat sur les insistences reiterees de

son atni, le physiologiste Vulpian, " osa." Petit-etre, d'ailleurs, serait-il plus juste de dire que son coeur, si bon et Si secourable aux humbles, ne sat pas resister aux supplications dechirantes d'une mere eploree. Une pauvre paysanne avait fait it grander journees le voyage d'Alsace a Paris, portant stir ses bras son petit garcon de hail ans, qui veiled d'etre mordtt par un ehien enrage. La tnallieureuse femme implored he savant, Itti demandant it genoux d'accomplir un miracle pour sauver he petit etre. Pasteur fit l'inoculation et renfant fat sauve. Cet enfant—Joseph Meister--est aujourd'hui un homme qui approche de la soixantaine ; it occupe, depuis de longues annees, l'emploi de concierge it l'Institut Pasteur. Au cours de in ceremonie du cinquantenaire que vient de °Lehrer Paris, .Joseph Meister a recu la medaille d'argent frappee pour la commemoration de la grande decouverte dont it avait etc he premier beneficiare.

De nouvelles guerisons vinrent aussitet confirmer rexcellence de la methode pasteurienne. Des institute se creerent dans nombre de pays. A ('instigation du tzar Alexandre HI, la Russie, in premiere, fonda plusieurs stations antirabiques:; cet exemple ne tarda pas it etre suivi par toutes les nations civilisees. D'apres les statistiques de l'Institut 'Pasteur, depuis 1885 plus de 51.000 personnes ont etc inoculees, parmi lesquelles • on ne releve qu'une cinquantaine de deces. Cette inortalite, si faible soit-elle, tient en partie an fait qu'un seul type de traitement keit appliqué autrcfois. De nos jours, it en cxiste trois ; aussi, depuis dix ans, ria-t-on enregistre aucun insucces.

On peut dire que, grace it Pasteur, on est parvenu it prevenir ou a attenuer les ravages de la diphterie et de la rage chez l'homme, du charbon chez les animaux. Ses theories ont accompli tine veritable revolution dans fart de guerir ; elles ont aussi transforine l'industrie et ragrieulture de l'univers entier. L'exemple du maitre a etc, au surplus, un admirable levain, une puissance d'energie et de grandeur. On n'en saurait trouver d'echo plus vibrant que dans ces paroles adressees par le sage it la jeunesse franyaise.: " Jeunes gem, vivez dans In paix sereine des laboratoires et des bibliotheques. Dites-vous d'abord : Qu'ai-je fait pour mon instruction ? puis, it mesure que vous avancerez : Qu'ai-je fait pour mon pays? jusqu'au moment ou vous aurez peut-etre cet immense bonheur de penser clue vous avez contribue en quelque chose